Syrie : La Russie et la Chine opposent un veto de principe au Conseil de sécurité

 Quatre mois de négociations, un texte très dilué et un double veto. Le rejet du projet de résolution présenté par la France, la Grande-Bretagne, l'Allemagne et le Portugal marque l’échec de la stratégie européenne à convaincre la Russie et la Chine et montre une fracture profonde au sein du Conseil de sécurité.


 

L'ambassadeur russe Vitaly Churkin pose son veto lors du vote sur la Syrie.
UN Photo/Paulo Filgueiras

 
Le texte présenté ce mardi 4 octobre n’a plus grand-chose à voir avec celui que les Etats-Unis et les quatre Européens du Conseil ont fait circuler en août. Plus question d’un embargo sur les armes, de sanctions financières et d’une interdiction de voyager à l’encontre de Bachar El-Assad et de son cercle rapproché. Les Européens ont mis de l’eau dans leur vin. Le texte se contente d’évoquer la possibilité de sanctions, dans l’espoir d’éviter un veto de la Russie et de la Chine, fermement opposées à toute idée de sanctions contre la Syrie.
 
Quelques heures avant le vote, les Européens comptent encore sur une abstention de la Russie (qui entraînera également celle de la Chine). Vitaly Churkin, l’ambassadeur russe l’a laissé entendre à ces collègues diplomates. Les Européens accordent même un amendement de dernière minute au projet de résolution. Le vote prévu à 17h est repoussé d’une heure.
 
 
 Article sur de possibles sanctions avant modification :
 
11. Expresses its determination, to review Syria’s implementation of this resolution within 30 days, and, in the event that Syria has not complied with this resolution, to consider the adoption of targeted measures under Article 41 of Chapter VII of the Charter of the United Nations.
 
Après modification :
 
11. Expresses its intention, to review Syria’s implementation of this resolution within 30 days, and to consider its options, including measures under Article 41 of the Charter of the United Nations.
 
 
Les Européens sont certains d’être parvenus à briser le front uni des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) qui s’opposent depuis des mois à toute résolution du Conseil de sécurité sur la Syrie. Le Brésil s’est même laissé convaincre de voter « oui ». Juste avant le vote, tout s’écroule. « Vitaly Churkin s’est fait taper sur les doigts par Moscou, confie un diplomate du Conseil. Les Russes voulaient un veto. Du coup, les Brésiliens qui avaient instruction de voter « oui » ont préféré s’abstenir pour présenter un front commun avec l’Inde et l’Afrique du Sud. » L’Inde qui devait voter non s’est abstenue.
 
Sur 15 membres du Conseil de sécurité, neuf ont voté « oui », quatre se sont abstenus et deux membres permanents ont posé leur veto. La résolution est rejetée.
 
Détails du vote : 
 
Oui
 
Etats-Unis *
France *
Grande-Bretagne *
Allemagne
Portugal
Colombie
Bosnie
Gabon
Nigéria
 
Non (veto)
 
Russie *
Chine *
 
Abstention
 
Brésil
Inde
Afrique du Sud
Liban
 
(* membre permanent)
 
Si les liens étroits entre la Russie et la Syrie expliquent en bonne partie le veto russe, l’attitude du Brésil, de l’Inde et de l’Afrique du Sud qui se présentent volontiers comme des pays soucieux des droits de l’homme peut surprendre. Elle s’explique par un profond ressentiment contre l’intervention en Libye, pour laquelle les Etats-Unis et les Européens sont accusés d’avoir utilisé la résolution 1973 du Conseil de sécurité pour couvrir une opération militaire destinée à chasser Mouammar Khaddafi et installer un régime pro-occidental à Tripoli. « Si le vote sur la Libye était à refaire, sachant ce qui s’est passé, plusieurs membres du Conseil voteraient différemment », a lancé le représentant indien Hardeep Singh Puri dans un entretien à la chaîne Al-Jazeera après le vote sur la Syrie.
 
« Ce n’est pas à Paris, Washington ou Londres de décider quel dirigeant est légitime ou non dans le monde arabe, a renchérit le russe Vitaly Churkin. Cette résolution était un premier pas vers un changement de régime à Damas. C’est une tendance qui a débutée avec la Côte d’Ivoire puis en Libye », a-t-il poursuivi. Tandis que l’ambassadeur français Gérard Araud ne pouvait que constater que la teneur du texte présenté importe peu : « Ce n’est pas une question de formulation, c’est un choix politique, c’est un veto de principe ». Et l'expression d'un Conseil profondément divisé entre "interventionnistes" et "souverainistes".