19 nov. 2011 - 22:24
La « révolution » de la place Tahrir n’a visiblement pas encore atteint la diplomatie égyptienne. En témoigne, la lettre pour le moins ambiguë envoyée par l’ambassadeur égyptien à l’ONU, Maged Abdelaziz, aux 120 pays du Mouvement des non-alignés (MNA), les enjoignant à soutenir la Syrie contre un projet de résolution à l’Assemblée générale condamnant la répression des manifestations qui a fait selon l’ONU plus de 3.500 morts depuis le mois de mars.
Un manifestant devant le siège de la Ligue arabe au Caire (AFP)
projet de résolution rédigé par la Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne. Le texte doit être présenté mardi 22 novembre au Comité des droits de l’homme de l’Assemblée générale. Le document comprend également une introduction dans laquelle la mission égyptienne rappelle la position de principe des non-alignés selon laquelle « le Conseil des droits de l’homme ne doit pas autoriser de cibler individuellement des pays ». S’ensuit une conclusion sibylline :
« Dans ce contexte, la lettre ci-jointe enjoint tous les membres du MAN à continuer d’agir selon ces principes et leur demande de s’opposer et de voter contre le projet de résolution susmentionné ou tout autre tentative similaire »
Ce passage, surligné dans le document original, a suscité des interrogations parmi les diplomates onusiens et les associations de défense des droits de l’homme sur la réalité du soutien de l’Egypte au « printemps arabe ». « Le renversement d’Hosni Moubarak n’a pas changé grand-chose. Les mêmes hommes et la même politique sont toujours en place » confie un diplomate. Interrogé par RFI, Maged Abdelaziz dément tout intention masquée et affirme n’avoir fait que transmettre la lettre syrienne, sans prendre position, « comme requis par notre rôle de coordinateur du Mouvement des non-alignés ». L’ambassadeur s’est refusé à dire si l’Egypte soutient ou non le projet de résolution.
Les hésitations de l’Egypte sont d’autant plus surprenantes que pour la première fois, plusieurs pays arabes, la Jordanie, l’Arabie Saoudite, le Maroc et le Qatar, se sont associés à la résolution. Le texte condamne des violations des droits de l’homme « graves et systématiques » par les autorités syriennes et mentionne notamment « exécutions arbitraires, tueries, persécutions, tortures et disparitions forcées, y compris d’enfants ».
Au Caire, une source diplomatique assure qu’un débat a bien eu lieu au sein des Affaires étrangères sur l’opportunité de soutenir ou non la Syrie. Ce diplomate affirme que la diplomatie égyptienne a finalement décidé de pas s’opposer à une condamnation de Syrie et pourrait s’abstenir pendant le vote de mardi.
Le soutien de plusieurs pays arabes à ce texte marque un tournant. Si la Syrie a pu éviter une condamnation au Conseil de sécurité grâce au veto de la Russie et de la Chine, Damas aura beaucoup de mal à éviter une condamnation par l’Assemblée générale. Fort de soutien, les occidentaux veulent ensuite revenir devant le Conseil de sécurité et confronter la Chine, la Russie, mais aussi L’Afrique du Sud, l’Inde et le Brésil jusqu’ici très réticents à sanctionner ou même condamner la Syrie.