01 avr. 2012 - 22:37
Les moments les plus savoureux dans la vie d'un correspondant à l'ONU ce sont les "off", les causeries micro éteint pendant lesquelles les diplomates peuvent parler en toute franchise de ce se qui passe en coulisses. Cette semaine, pas moins de trois briefings "off the record" figuraient sur mon agenda.
Un ambassadeur avec des journalistes au Delegates Lounge, en 1950. UN Photo/MB
Dans une instance comme l'ONU où les correspondants de presse sont abreuvés de communiqués officiels insipides et "d'éléments de language" millimétrés par les capitales, le "off" agit comme un mot magique et libératoire. C'est sous le sceau de l'anonymat que surgissent les analyses les plus brillantes, les commentaires les plus mordants.
Par exemple, nombre de diplomates doutent des chances de succès de la médiation de Kofi Annan en Syrie :
" Franchement, aucun des deux camps n'a atteint le point où il sera forcé de négocier. Le gouvernement syrien pense qu'il peut écraser l'opposition et les rebelles sont persuadés de pouvoir renverser le gouvernement."
Parmi les membres du Conseil de sécurité, la Grande-Bretagne, la France, l'Inde, le Portugal et l'Allemagne organisent régulièrement des rencontres "off" avec la presse. A l'inverse, les Etats-Unis, la Russie et la Chine ne se donnent jamais cette peine...
Au hit-parade des plus populaires, l'ambassadeur français Gérard Araud ravit les journalistes avec son franc-parler et une causticité parfois bien peu diplomatique. Les rencontres avec l'ambassadeur indien Hardeep Singh Puri sont aussi très appréciées, au moins autant pour la candeur de ses propos que pour la qualité du repas servi à cette occasion.
Pour savoir ce qui passe dans les réunions à huit-clos, le correspondant compte généralement sur les membres de la délégation assis derrière l'ambassadeur. Pendant son mois de présidence, la Grande-Bretagne a tenté d'imposer que pour certaines réunions les ambassadeurs viennent seuls, sans experts ou assistants. L'objectif était d'obtenir "une parole plus libre", mais aussi de limiter les risques de fuites à la presse. Certains membres, Etats-Unis et Russie en tête, poussent régulièrement des hauts-cris sur le non respect de la "confidentialité des débats".
" C'est de l'hypocrisie. Les fuites sont inévitables, ne serait-ce que parce que tel ou tel pays veut influencer la perception des journalistes ou confronter un autre pays sur les conséquences de sa position si elle devient publique" confie un diplomate, en "off" bien entendu...
1 Comments
Je me demande si ils vous accordent d’être présents pendant leur "off "car c'est un risque et ils le savent ...Sinon vous devez certainement être très discrets et subtils, oui sans blague comment vous faites?